Culture du poivre de Sichuan

Les inconditionnels de la cuisine asiatique connaissent tous le poivre de Sichuan, une épice au goût exceptionnel qui allie les propriétés piquantes du poivre à l’arôme des agrumes. Originaire du Sichuan, une province du sud-ouest de la Chine, cette baie s’est exportée, aussi bien dans sa culture que pour son utilisation en cuisine, dans une grande partie des pays d’Asie du Sud-Est tout en poursuivant sa démocratisation dans les jardins et recettes des contrées d’Europe occidentale.

Débarqué dans les coffres de trésors épicés du célèbre marchand et explorateur Marco Polo, le poivrier de Sichuan arrive en Europe au XIIIème siècle. Cependant, son essor au sein du paysage botanique de France apparaît au XIXème siècle, période durant laquelle des botanistes aventureux s’essayent à sa culture, où l’arbuste exotique est réintroduit sous le nom de Clavalier. En effet, le poivrier de Sichuan est considéré comme un arbre rustique qui peut s’adapter à de nombreuses conditions climatiques comme des températures allant jusqu’à -20°C ou une exposition prolongée à de fortes chaleurs. Ces propriétés botaniques permettent aux plantes et à leurs fruits de s'épanouir à merveille sous nos latitudes, comme c’est le cas pour notre poivre de Sichuan cultivé dans le sud-ouest de la France par des professionnels respectant les principes de la permaculture et d’un mode d’agriculture bio.

Le poivrier de Sichuan, également connu en tant que clavalier en France, est un arbre de la famille de plantes des rutacées appartenant à l’ordre des Sapindales. De genre Zanthoxylum, cet arbre est particulièrement rustique puisqu’il peut résister à des hivers très froids et s'adapter à de nombreux sols. Le nom commun poivrier de Sichuan correspond à l’espèce Zanthoxylum simulans, même si de nombreuses confusions existent avec d’autres espèces du même genre, et plus particulièrement le Zanthoxylum piperitum qui correspond davantage à la production du poivre Sansho au Japon. 

D’un port buissonnant, les arbustes de l’espèce simulans peuvent s’élever jusqu’à 4 à 5 m de hauteur. Ils produisent de nombreuses branches recouvertes d’épines, ce qui transforme la cueillette des baies en un délicat labeur à travers lequel une gestuelle précise est requise pour ne pas se piquer les mains. Quant aux feuilles, relativement longues, ces dernières sont composées de folioles vertes et lancéolées. Les feuilles dégagent un parfum de poivre, révélateur des arômes des baies, et se parent des couleurs de l’automne en septembre, avant de chuter à l’approche de l’hiver en raison du feuillage caduc du poivrier de Sichuan. Plante d’une beauté singulière, l’espèce Zanthoxylum simulans est aussi bien utilisée comme arbre ornemental que condimentaire avec la culture des baies produites par ses fleurs. Parlons justement de ces dernières. La floraison intervient au printemps, principalement sur la période avril-mai, pour donner naissance à des petites fleurs que l’on distingue à peine dans la densité du feuillage des plantes. Pourtant, se sont bien ces fleurs qui produisent les fruits du poivrier du Sichuan, des baies rouges au goût de poivre avec des notes citronnées. Pour une fructification abondante, une production de fleurs et de fruits en plus grande quantité, il est obligatoire de passer par une pollinisation croisée entre plusieurs plants dioïques avec des types de gamètes mâles et femelles.

La culture du poivrier de Sichuan et la cueillette de ses baies demeurent une entreprise fastidieuse pour un particulier souhaitant profiter du goût puissant de cette épice, d’autant plus que le poivre de Sichuan dans sa forme finale demande un travail supplémentaire de séchage et de conservation. Dernière petite précision, l’écorce de l’arbre est toxique ce qui comporte des risques pour des plants exposés dans le jardin de sa maison accessibles aux enfants et aux animaux de compagnie. Pour profiter des qualités culinaires exceptionnelles de ces baies en toute quiétude, le savoir-faire d’un professionnel est chaudement recommandé.

Si le poivre de Sichuan est un produit à fort caractère, ce tempérament se retrouve dans ses arbres d’origine particulièrement tolérants à tout type de sol et de climat. Pour aller dans ce sens, il est reconnu que cette espèce est très résistante aux maladies et aux insectes ravageurs, ceci malgré quelques attaques possibles de pucerons. Les gelées tardives demeurent la principale cause d’échec pour l’exploitation du poivre de Sichuan en abîmant les boutons floraux nécessaires à la production des baies. Dans ce guide, nous répondons aux principales questions autour de la culture de l’une des épices historiques de la cuisine chinoise, une baie à l’arôme subtil de poivre et d’agrume.

En tant que plante rustique, le poivrier de Sichuan s’adapte à tout type de sol. Pour une plantation optimale, il demeure préférable de choisir un sol riche et léger, mais aussi un sol drainé favorisant la bonne évacuation des eaux tout en évitant d’être trop sec. Au niveau de l’exposition, la meilleure option reste de réaliser la plantation sur un emplacement ensoleillé.

Les producteurs de poivre de Sichuan réalisent la plantation, des semis ou des jeunes plants, au printemps ou en automne pour éviter les gelées de l’hiver qui peuvent détruire les cultures et les chaleurs de l’été exigeantes en termes d’arrosage. Malgré sa forte autonomie, la plante demande une attention particulière lors de sa première année de plantation avec un apport d’eau chaque semaine, en dehors de la période hivernale, pour nourrir la terre via un arrosage modéré. Comme pour les arbres fruitiers, les racines du poivrier de Sichuan apprécient un ajout d’engrais organique, fumier ou compost, lors de la plantation mais aussi un apport annuel pour nourrir la terre. Cette similitude avec les techniques de jardinage des producteurs de fruits n’est pas illogique puisque le Zanthoxylum simulans, une espèce de la famille des rutacées classifiée parmi les agrumes, possède un système de floraison identique aux autres fruitiers qui est très éloigné de la culture du poivre piper nigrum et des méthodes de cultures de sa liane.

Les cultivateurs du poivre de Sichuan peuvent se féliciter du caractère résistant des arbustes qui le produisent, ces derniers étant habitués aux conditions climatiques parfois rudes des régions montagneuses de Chine, et qui nécessitent un entretien minime lors d’un climat tempéré. Comme toute plante, elle demande un apport en eau plus régulier lors d'une période de longue sécheresse ou une protection en cas de gelées tardives, notamment à l’aide d’un voile d’hivernage. Le principal point d’entretien concerne la taille des arbres. La taille doit cependant rester limitée car la production des fruits intervient sur des branches matures âgées d’un an. Elle doit être réalisée après la récolte en automne ou à la fin de l’hiver, à partir de la 3ème année de production, pour supprimer les branches mortes, limiter la ramure pour favoriser l’ensoleillement et faciliter les futures récoltes sans subir les piqûres d’épines, ou bien dégager le sol pour faciliter l’entretien de la terre. Il est possible d’apporter une légère taille du feuillage en juin pour éclaircir l’arbre en réduisant le volume de feuilles.

Victime de son succès grâce à son goût unique, la demande des consommateurs français ne cesse de grandir pour le poivre de Sichuan ces dernières années. Les producteurs doivent alors s’adapter en conséquence, à travers une augmentation de la taille de leur exploitation. Il existe deux principales méthodes pour multiplier les plants de poivrier. La première consiste en la plantation des semis, à partir des graines noires rejetées par les baies, après la récolte avec des graines fraîches ou bien au printemps via des graines conservées au réfrigérateur pendant l’hiver. La deuxième est celle du bouturage d’un bois semi-mûr sur la période estivale, une technique moins pratiquée car pouvant engendrer un enracinement plus fragile.

C’est au bout de trois années, à partir de la plantation des semis, que les graines deviennent arbres et que la floraison s’opère, laissant place à la première récolte. Les fleurs produisent des fruits qui prennent la forme de baies rouges. La baie se compose d’une graine noire et d’une coque rouge, et c’est bien cette enveloppe qui va devenir le poivre de Sichuan dans sa forme finale puisque les graines sont impropres à la consommation car trop amères. Cette récolte intervient après l’été, principalement en octobre, là où les baies sont mûres. Ce travail est délicat puisqu’il demande d’éviter les nombreuses épines acérées des branches et réclame une étape de tri pour supprimer les pédoncules inutiles. La dernière étape concerne le séchage de l’enveloppe des baies pour constituer le poivre de Sichuan, désormais apte à la conservation pendant plusieurs années et à une utilisation en cuisine pour assaisonner des plats savoureux.