Entretien avec l’artiste Hélène Jayet à propos du Coffret Voyage


Montpellier, le 7 mai 2024


Hélène Jayet, artiste et photographe, a relevé le défi d’illustrer notre coffret d’épices « Voyage » avec un dessin à l’encre acrylique et pastel «Crocus sativus» représentant des fleurs de safran.


Mathilde Roellinger a eu la chance de visiter son atelier à Montpellier et à cette occasion de réaliser cet entretien avec l’artiste.



Mathilde: Si tu étais une épice ?

Hélène : Peut-être un mélange d’épices ou un poivre de Madagascar. 

Si tu étais une saveur ?

Du miel. 

Si tu étais une couleur ? 

Je dirai le violet. 

Si tu étais une odeur ? 

Celle du grué de cacao. 

Ton prochain voyage ? 

La Grèce ou le Sénégal. 

Si tu avais pu vivre au sein d’une civilisation ancienne, laquelle aurais tu choisie ? 

Une société matriarcale, comme les amazones. 


Pourquoi es-tu devenue artiste ? 

On ne sait pas pourquoi l’on devient artiste. On ne choisit pas, c’est comme un sacerdoce. Il y a une notion d’appel. 


À quel âge as-tu commencé à dessiner ou à peindre ? 

Mon premier souvenir est dans le labo photo de mes parents. J’ai 4 ans et ma place était devant le bac pour voir l’image apparaître, c’était magique. 


Quels sont les artistes qui t’inspirent ?

Il y en a beaucoup. Bien souvent, la littérature et la musique sont un point de départ. En musique, j’écoute principalement de la cumbia (genre musical traditionnel de Colombie), dont j’apprécie les rythmes. 


Si tu devais citer un auteur en littérature ? 

L’écrivaine Maryse Condé figure parmi mes auteurs préférés. Dans ses romans, elle décrit comment la musique, les épices et la cuisine accompagnent ses personnages dans leur exil. 



As-tu une madeleine de Proust ? 

Je dirai des beignets aux fleurs d’acacia. Quand j’étais petite, nous allions récolter des fleurs d’acacias que nous trempions dans une pâte à beignets et que nous faisions frire. Ça, c’est un souvenir d’enfance et un goût que je n’ai jamais retrouvés ! 


Aimes-tu cuisiner ?

Oui, mais pas tous les jours ; j’aime cuisiner pour les fêtes par exemple. 




Justement, quelles épices utilises-tu dans ta cuisine ?

J’utilise beaucoup le curry. Le curry japonais que tu as fait avec Ryoko Sekiguchi fait partie de mes coups de cœur. J’ai beaucoup aimé aussi l’Harissa de Farida Bedredine. Avec la sauce tomate ou pour relever tous les plats, tu n’as pas besoin d’en mettre beaucoup et ça change tout !  

Le poivre est essentiel. Je collectionne les poivres, j’en ramène de chaque voyage.

Je cuisine beaucoup avec les herbes fraîches du jardin (shiso, citronnelle…). 




Vois-tu une correspondance entre les goûts et les couleurs ?

Alors oui, mais c’est propre à chacun. Le violet par exemple, je lui donnerai un goût entre la framboise et la myrtille sauvage. En plus, cela me rappelle des souvenirs d’enfance, la récolte des mûres et des framboises dans les pâturages de montagne. Encore aujourd’hui, le fait de cueillir me rappelle des bons souvenirs, comme ceux de la récolte des orties pour la soupe. Mes parents avaient un grand potager de 400m². Nous allions ramasser les plantes pour la cuisine et cela nous permettait de les comprendre. 



Pour toi, il n’y a pas de différence entre la cuisine et l’art ? 

Dans les deux cas, l’objectif c’est de partager. 

Créer ta propre couleur ou ton propre goût, ta propre saveur, ta propre odeur, comme un par-fumeur… c’est toujours la même chose. Ce sont des histoires d’alchimie qui procurent une réus-site. Ce ne sont que des expérimentations, des rencontres, des découvertes, des lectures. 

Quand je cuisine, je ne goûte jamais mais je sens. Je ne note rien et je suis incapable de reproduire exactement un même plat d’une fois sur l’autre. 



Un dîner rêvé ?

J’imagine une très belle table avec tous mes amis du monde entier qui sont très loin et qui me manquent beaucoup. Pour la plupart, ce sont des artistes, des réalisateurs.  

Ce serait dehors, sous un arbre le flamboyant avec des cocktails très colorés et épicés. Ce serait un dîner très créatif avec des surprises ; des goûts auxquels on ne s’attend pas. 



Pour revenir à l’œuvre « Crocus sativus » que tu as créée pour le coffret Voyage, c’est un un dessin à l’encre acrylique et au pastel sec, peux-tu nous expliquer pourquoi as-tu choisi le safran ? 


Le safran dans l’imaginaire et dans l’histoire a toujours été une épice luxueuse et recherchée, qui a d’ailleurs parfois servie de monnaie et de couleur dans les enluminures. En même temps, cette fleur fragile et incroyable donne du goût et de la couleur aux plats. Son odeur me rappelle mes premiers bons restaurants où tu goûtes des mets fins. 

Les épices sont très liées à mon travail. Elles font partie de l’histoire que je raconte quand je ques-tionne l’histoire coloniale. J’admire le travail, le temps et la patience de la culture au séchage pour obtenir le safran, c’est vraiment fascinant.